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Ravage Groupe 4 l’Alpine A110 bodybuildée en vente libre

 

Publié le 31 mars 2022 à 20:44. L’ARGUS par Mathieu Sentis

Après la Ravage Modèle Zéro née d’un délire entre potes, voici la Ravage Groupe 4 La Première, un modèle commercialisé annonçant une série limitée à dix exemplaires. Nous avons eu le privilège d’en prendre le volant, après avoir écouté l’incroyable aventure de ses géniteurs. Récit et essai.

Pour des millions de Français, le confinement de mars 2020 fut l’occasion de trier le contenu de leur cave, de récurer des placards inaccessibles, de faire leur propre pain. Pour Benoît et Yvan, deux Lyonnais passionnés d’engins motorisés, cette période a permis de créer… une voiture. La base ? Une Alpine A110 moderne. Le but ? Lui offrir le « chien » qui lui manquait. Les inspirations : l’univers du rallye, les pilotes de légende, les belles mécaniques, les décennies 1970 et 1980, ou autant de centres d’intérêt réunis dans leur vision d’un préparateur à la française. Loin de vouloir copier en vain les réalisations allemandes ou italiennes, nos joyeux bougres commencent à imaginer leur idéal automobile.

À Yvan le soin de laisser son A110 personnelle comme base de travail. À Benoît la charge de la transformer, fort de son expérience de designer chez Mercedes. Comme il l’explique, ce projet lui a permis de respirer : « Figé par la direction du design des années en avance, le style des modèles à venir n’autorisait aucune marge de manœuvre. Nous dessinions des voitures, mais c’est comme si quelqu’un d’autre tenait le crayon. » Cette fois, Benoît laisse libre cours à son imagination tout en respectant les étapes de création d’un constructeur aguerri : premier croquis sur papier, numérisation en 3D sur ordinateur, conception d’une maquette en clay à l’échelle 1. Restait à lui faire prendre la route…

crédit photo Clément Choulot pour l’ARGUS

« Une simple maquette ne nous intéressait pas, continue Benoît. L’auto devait être fonctionnelle et finement réalisée, avec la créativité d’un petit artisan mais le professionnalisme d’un grand constructeur. » Ailes élargies de 8 cm à l’arrière et de 3 cm à l’avant, échappement en biais comme la Berlinette 1800 Groupe 4 des seventies, jantes démontables façon Gotti d’époque, tout a été créé sur mesure par l’intermédiaire d’artisans français. Les jantes sont signées Mad’in, à Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire), le kit carrosserie en composite est l’œuvre de ByFactory, à Ablis (Yvelines), peinture et ajustements sont gérés par la carrosserie Kerambellec, à Buc (Yvelines). Enchantés par ce projet singulier, tous ces rêveurs n’ont pas compté leurs heures de travail pour apporter leur patte à l’édifice. La Ravage Modèle Zéro était née.

Pourtant couverte d’un discret bleu Pozzi (issu du catalogue Ferrari, autre marque fétiche des « Ravagés »), la Ravage Modèle Zéro se fait rapidement repérer lors de ses trajets quotidiens. Les badauds l’immortalisent. Les réseaux sociaux s’emballent. D’abord effrayés par l’inattendu retentissement, nos apprentis sorciers commencent à sentir la bascule. « Sur le compte Instagram Ravage créé après coup, nous recevions au moins une demande par jour : comment fait-on pour acheter une Ravage ? Des Français, mais aussi des Japonais, des Américains. Après des mois à dire que nous n’en vendions pas, nous avons décidé de nous lancer. J’ai quitté un poste confortable pour partir dans l’inconnu, mais aujourd’hui je fais ce qui me plaît » raconte Benoît. Restait à passer d’une réalisation unique à une production en petite série, source de tout autres contraintes.

En série (très) limitée

Sorte de matrice roulante, la Ravage Modèle Zéro a donné naissance à la Ravage La Première ici photographiée. Il s’agit du tout premier exemplaire commercialisé… qui ne représente pas exactement la suite de l’histoire. « Son propriétaire a réussi à nous acheter une auto avant même que les Ravage ne soient en vente », s’exclame Benoît. Grâce aux artisans précités, ce second exemplaire a mis six mois à être conçu. Moins que les deux ans et demi écoulés du premier coup de crayon aux premiers tours de roue de la Modèle Zéro, mais trop pour espérer tenir des délais de livraison raisonnables (le vingtième exemplaire commandé réclamerait alors dix ans d’attente !).

A droite, la Ravage Modèle Zéro révélée le 1er avril 2021. A gauche, la Ravage La Première annonçant la série limitée « Groupe 4 » commercialisée ces jours-ci.

Un casse-tête en passe d’être résolu par l’entreprise Vaison Sport, basée à Torcy (Saône-et-Loire) et connue pour avoir réalisé des spécimens aussi variés que les autos des cascades du parc Disneyland, trois prototypes officiels Mitsubishi engagés au Dakar, ainsi que diverses rénovations (ou reconstructions complètes) de légendes du rallye nommées Lancia 037, Ford RS200 ou Peugeot 205 Turbo 16. Une officine parfaitement dimensionnée pour produire la première série limitée à dix exemplaires, baptisée Ravage Groupe 4 en référence à la réglementation des rallyes d’époque. Ailes « bulle » (voir vidéo), échappement inox, bavettes, tout y est. Reste à choisir la déco. La livrée de La Première rappelle celle des Berlinette Groupe 4 « Tour de Corse », comme l’a voulu son commanditaire. « Cet exemplaire montre comment nous nous adaptons aux goûts et volontés des clients » souligne Benoît, qui avoue avoir cumulé quatre séances d’échange avec le futur propriétaire pour figer « sa » déco. Côté châssis, quatre combinés filetés KW réglables abaissent l’auto, juchée sur des pneus élargis devant comme derrière. Une reprogrammation moteur parfait le tout et, d’ailleurs, il est temps de mouvoir la créature.

Au volant de la Ravage Gr.4 La Première

Après un premier essai sur circuit détrempé de la Modèle Zéro, nous revoilà aux commandes de la Ravage La Première tout juste livrée à son heureux propriétaire. Notre terrain de jeu ? Le piste du Team Pilotage 42, organisateur de stages à Andrézieux, près de Saint-Étienne. Le bitume sec permettra de mieux apprécier les évolutions du châssis… qui sautent aux yeux dès les premiers virages : plus aucune plongée au freinage, pas le moindre roulis au braquage, une direction affermie par l’adhérence supérieure et la sensation accrue de virer d’un bloc dans les successions de virages.

crédit photo Clément Choulot pour l’ARGUS

Moins sensible aux transferts de masse que l’A110 standard, la Ravage La Première ne pivote plus autant de l’arrière dans les épingles mais montre, au contraire, une stabilité inédite dans les portions plus rapides. Un équilibre que le tracé très sinueux du jour ne met pas forcément en valeur, à l’inverse des évolutions du moteur. « Cette Ravage inaugure notre propre cartographie moteur, réalisée par un ingénieur connaissant parfaitement l’A110. C’est une exclusivité Ravage. Les propriétaires d’Alpine classique ne pourront pas se la procurer. Nous ne visons pas les meilleurs chiffres mais les meilleures sensations » résume Benoît, avouant que la Groupe 4 crache désormais 300 ch et 380 Nm de couple.

Les sorties d’épingle serrées confirment le nouveau caractère du moteur, poussant à la fois plus fort et plus tôt que le TCe 252 d’origine sans même qu’il soit besoin d’écraser la pédale d’accélérateur. Notre exemplaire non encore rodé ne nous a pas autorisés à poursuivre nos investigations jusqu’aux abords de la zone rouge, mais Benoît assure que l’évolution permet d’obtenir un moteur coupleux en bas (c’est net) et plus rempli en haut (à vérifier donc !). Les sensations sont aussi sublimées par l’attachante sonorité, héritée du fameux silencieux d’échappement spécifique. Son timbre rauque au ralenti et suave à l’accélération fait sans mal oublier celui de l’A110 standard, semblant plus nasillard et artificiel. Il faut vraiment la rendre ?

crédit photo Clément Choulot pour l’ARGUS

Quel prix pour une Ravage ?

C’est évidemment la question qui brûle, après avoir admiré (et conduit !) les deux premières Ravage de la planète. En attendant de communiquer le contenu exact du kit, Benoît estime le prix de vente à 105 000 €, A110 neuve comprise. « L’idéal, précise-t-il, est de partir sur une version d’appel de 252 ch à 59 500 €, neuve si possible pour retarder l’échéance de la première révision. » Toujours en ébullition, l’équipe imagine déjà un centre d’entretien dédié aux Ravage et travaille sur la suite des transformations esthétiques. La prochaine concernera l’habitacle, promis haut en couleur par Benoît. « Là encore, dit-il, nous ne cherchons pas à imiter les finitions allemandes. La production automobile française est à la fois riche et typique. Pour l’habitacle, nous nous inspirerons des tons et textiles intérieurs des Renault 5 Turbo. » Mythique !

Une fois les dix exemplaires de Ravage Groupe 4 écoulés (ils sont déjà réservables contre un acompte de 5 000 €), l’équipe devrait dégainer une seconde série fidèle à l’évolution des rallyes entre les années 1970 et 1980. Le Groupe 4 pourrait alors laisser sa place au Groupe B. Lunette arrière ajourée façon F40, kit carrosserie encore plus agressif et véritable préparation mécanique (avec des pièces spécifiques, comme un nouveau turbo ou un radiateur d’huile additionnel pour mieux refroidir la boîte robotisée) garnissent déjà les tablettes de Benoît. Pour cette prochaine étape, un certain Bernard Darniche travaille étroitement avec l’équipe. L’ancien pilote officiel Alpine en Championnat du monde des rallyes a vraisemblablement des idées pour sublimer encore le projet. Au point d’inspirer une série limitée à son nom ? Impossible n’est pas Ravage…

crédit photo Clément Choulot pour l’ARGUS

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